Surface Commune (Fragment)

Exposition collective à l’institut pour la photographie

Lille

7 décembre-24 décembre 2023

Surface Commune

Exposition collective au Familistère

Guise

28 octobre-22 décembre 2023

Surface Commune

Edition

Octobre 2023

 

La porte dérobée

Ce week-end qui va voir éclore le printemps ne sera pas la fin d’un cycle hebdomadaire de travail, le temps d’arrêt, de pause. Il sera plutôt un interstice, peut-être même des retrouvailles, dans l’ébauche d’une saison qui se réactive lentement à nouveau, à pas feutrés. La lumière diaphane qui apparaît par intermittence m’émeut et m’honore à nouveau. Elle renouvelle l’émotion du désir .

Sous le dôme astral du Familistère de Guise, rythmé par la géométrie de centaines de vitrages, je perçois la sensation de l’ocre jaune des parois. Ce cyclorama lumineux flotte dans un  étirement du temps et de l’espace. Il titille mes pupilles et m’invite à une certaine forme d’abstraction de la perception. Ce décor à la fois communautaire et domestique m’intrigue. Combien de trames de vies se déploient encore derrière ces dizaines de fenêtres et de portes ? Où se situe la limite entre espace privé et espace public ?

Ayant le privilège de m’immerger dans un des appartements dont l’accès n’est pas autorisé au public, ce sont les émotions paradoxales du temps du confinement qui reviennent. La bâche des travaux sur la façade clapote au vent comme le sac et le ressac d’une étendue noire. Elle m’empêche toute perspective et m’invite, comme un quatrième mur, à un ressort dramatique.

Dans un souci de libération, je pousse avec un certain émoi l’une des portes à automatisme qui donne sur l’arrière du bâtiment, l’air des dernières froidures de Mars joue soudainement avec mon épiderme et contraste avec les rayons obliques du soleil dans la lumière pâle, comme une récompense céleste. Une perspective s’ouvre, comme un répit salvateur au sentiment d’enfermement. Je me mets lentement à distance du monde. Je marche comme la plus saine manière d’être à soi, vers un érémitisme nécessaire.

J’arpente désormais l’espace, dans l’incapacité de mettre en branle la nécessité douce de l’errance, le parcours étant irrémédiablement balisé par les aménagements des paysagistes. Je cherche la faille, la rupture, l’espace de l’oxygénation mentale que produit dans l’organisation spatiale, le souffle des éléments. Plus loin dans les replis du parc, comme lors d’une partie d’échec, les stigmates de l’hiver ont trouvé la stratégie pour contourner, dans un graphisme poétique échevelé, la dimension rectiligne des parcelles triangulaires. La magie se met en place, l’empreinte de l’image s’active.

Benoît Ménéboo