El signo de las fuentes‭ / ‬le signe des sources‭ ‬

​Invité au Mexique pour mener plusieurs résidences artistiques entre 2014 et 2017 par le Ministère de la culture du Moreslos et la structure artistique et culturelle Arte Sustentable, je me suis attaché à remettre en question mon travail photographique, loin de mes repères liés à l’histoire, aux cultures et aux lumières européennes.

Habitué à me confronter à la notion du paysage modifié par l’homme, j’ai très vite perçu que l’eau était un élément central à interroger dans les représentations des paysages du Morelos. L’implantation spécifique des sources dans le territoire et leurs exploitations de longue date a été déterminante dans ma compréhension des multiples strates complexes de la géographie de la région.

Mon travail de prises de vues s’est déroulé au cours d’un arpentage permanent de quatre terrains de recherche, situés autour des villes de Cuautla, Tetela del Volcán, Tepoztlán et Zacualpan. Ces lieux sont apparus très vite comme représentatifs de la campagne agricole et du déploiement urbain au cœur des développements économiques que je souhaitais étudier. Parcourant inlassablement ces espaces afin de m’imprégner fortement des lieux, j’ai voulu mettre en œuvre deux fonctions essentielles de la photographie, inventorier le réel et transfigurer le banal. Une quête s’est alors organisée durant laquelle j’ai pu mettre en évidence toutes les formes de présence de l’eau. Ces photographies sont des fragments éclatants et caractéristiques d'une expérience des lieux teintée d’une grande liberté. Tour à tour, il a fallu mettre en évidence l’organisation spatiale liée à la structuration des interconnexions historiques de ces territoires humides et interroger les différentes personnes investies de manières inconscientes ou revendiquées dans la sauvegarde et la modification profonde de ces réseaux. Plusieurs portraits photographiques et entretiens vidéo ou sonores sont nés de ces rencontres.

Loin du pittoresque et du monumental, valeurs actuelles de l’iconographie touristique, cette exposition s’articule autour de séries d’images ancrées dans le Mexique du quotidien, choisies comme autant de fractions d’un monde révélé par la surface signifiante de la photographie. Je n’ai pas seulement fait le portrait d’un territoire en mutation mais j’en ai également été le témoin actif dans l’espace de ces douze semaines de résidence. J’ai voulu révéler des interstices entre les lieux et les êtres tentant inexorablement d’inscrire leur présence au monde. Animé par les nouvelles formes de la photographie documentaire, qui sont pour ma part teintées de valeurs métaphoriques, j’ai cherché à révéler la manière dont l’ordre social se révèle à travers le paysage mexicain, là où se croisent sans cesse l’extraordinaire et l’indicible, le sacré et le profane.

Benoît Ménéboo